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Une ode américaine : this is (not) america

La saison des Oscars est lancée pour Netflix. Alors que la plate-forme de streaming s’apprête à nous livrer le nouveau film de David Fincher la semaine prochaine, c’est un autre candidat qui a commencé la course aux récompenses cette semaine : Ron Howard. En adaptant les mémoires controversées de J.D Vance, Hillbily élégie, le réalisateur remplit le cahier des charges requis pour tenter de convaincre les membres de l’Académie. Quitte à dépolitiser le coeur du récit pour un mélodrame gavant.

Il faut savoir qu’aux États-Unis, J.D. Vance est un véritable modèle. Né dans la ville de Middletown situé dans l’État d’Ohio, son parcours social a tout d’un roman. Ça tombe bien, il a lui-même raconté sa vie dans un best-seller publié quelques mois avant les élections américaines de 2016. Mémoires sujets à controverse tant les camps politiques se sont vite emparés de ce succès littéraire. En effet, Hillbilly Elégie catalyse une Amérique que son auteur estime oubliée par les institutions ; une Amérique qui finira alors par devenir l’électorat de Donald Trump. Dans cet environnement, le chemin de Vance pour devenir étudiant à Yale (parsemée d’une vie de famille dysfonctionnelle et d’une incorporation dans l’armée américaine) aurait pu permettre un regard plus nuancé, plus juste, sur cette partie des États-Unis que l’on peut observer avec plus de clairvoyance. Malheureusement, ce ne fût pas le cas de Ron Howard qui a profité de ce récit pour conforter une audience dans des images préconçues par le cinéma hollywoodien.

Car cette Amérique-là, celle que l’on refusait de comprendre auparavant, est devenue un terrain d’observation pour les artistes. Parfois de cinéastes extérieurs aux États-Unis comme Andrea Arnold (American Honey) ou Martin McDonagh (Three Billboards – Les panneaux de la vengeance) ; et d’autres qui souhaitent se baser sur des histoires vraies. On pense à Craig Gillepsie avec le rise and fall de la patineuse Tonya Harding, la catastrophe écologique racontée dans Dark Waters par Todd Haynes et certainement, le plus réussi à ce niveau, la quête de justice de Richard Jewell filmé par Clint Eastwood. Des regards souvent justes, traités sans condescendance dans la plupart des cas, qui savaient être en résonance avec la politique américaine de ces dernières années. Et Ron Howard paraît alors très en retard avec sa dernière réalisation.

Les premières minutes laissaient espérer une confrontation juste entre le point de vue de Vance (joué par Gabriel Basso, vu dans Super 8) et celle d’une population plus élitiste. Un dîner de gala pour obtenir un emploi, en ouverture, devient un véritable dîner de cons où l’origine social du héros est traitée avec moquerie et termes insultants comme rednecks. Le film témoigne aussi d’un système financier insidieux, notamment pour le soin de ses habitants. Malheureusement, tel le nom de sa boîte de production, Ron Howard a tendance à imaginer la population qu’il filme plutôt que de l’écouter réellement.

C’est simple, quand on vous dit habitants de l’Amérique rurale, est-ce que vous pensez à Amy Adams et Glen Close ? Évidemment que non. Et cela va être dit par anticipation : oui, dans l’idéal, un acteur et une actrice peuvent tout jouer à l’écran. Toutefois, s’ils peuvent tout interpréter, rien n’empêche des remises en questions (ce qui a été fait, avec pertinence, dans la question des acteurs cisgenres interprétant des personnages transgenres). Et voir le choix d’intégrer ces comédiennes de prestige pour les grimer de manière exagérée en une partie de cette population pose déjà une question sur la véracité de ce que Howard souhaite nous montrer.

Ce qu’il nous montre n’est au final qu’un fantasme de cinéaste souhaitant faire pleurer dans les chaumières à partir d’un milieu social. Howard accumule grossièrement les poncifs pour se vautrer dans le misérabilisme le plus crade. Amy Adams et Glenn Close provoquent un palpable sentiment de gêne dans leur jeu de celui qui hurle le plus. Plus qu’une vision fantasmée de cette Amérique, Howard va plus loin dans le pire en refusant toute politique à ce qu’il montre à l’écran ; tombant dans les reproches que l’on a pu faire à Hollywood pour traiter de ces milieux sociaux. Une ode américaine est un objet en décalage qui est ni à la bonne époque, ni fait avec un regard juste.

En plus d’être un mauvais film-à-Oscar, grossi par la musique insupportable de Hans Zimmer, Une ôde américaine devient de mauvais goût à force de paraître complètement dépassé par la réalité du monde qu’il prétend recréer avec vraisemblance.

Une ode américaine, réalisé par Ron Howard. Avec Amy Adams, Glen Close, Gabriel Basso… 1h57.

Author

Victor Van De Kadsye

Victor Van De Kadsye

Créateur du site. Je ne vis que pour des artistes comme Michael Mann, Clint Eastwood, Hou Hsiao-hsien ou bien Kelly Reichardt. Capable de réciter n'importe quel réplique de l'âge d'or des "Simpson".

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