Le prodigieux cinéaste Pablo Larrain poursuit son exploration intime de l’Histoire en s’intéressant ici à Diana Spencer, cinq ans après le magnifique Jackie. Spencer complète les obsessions du cinéaste, mettant en scène tel un film d’horreur la détresse d’une femme au sein d’un cercle qui la rejette. Une oeuvre ensorcelante.
Avant de signer une interlude enflammée rythmée par le reggaeton en 2020 avec Ema, le prodigieux réalisateur chilien Pablo Larrain entamait une phase de sa filmographie réglant des comptes avec l’Histoire. Tout d’abord avec celle de son pays natal dans No (2013) et El Club (2015) mais également vers d’autres horizons depuis Jackie en 2017. Dans ce somptueux drame, Larrain étudiait la détresse psychologique de la première dame Jackie Kennedy suite à l’assassinat du président John Fitzgerald Kennedy. De ce sinistre événement se dessine la petite histoire au sein du film ; celle de la préservation d’une aura face à la mort qui rôde peu à peu autour d’elle. Ce qui donne un film étourdissant, accompagné par les mélodies dérangeantes de Mica Levi. Cinq années plus tard, il n’est plus question de préserver une aura au sein de l’élite dans Spencer. Pour Diana, il est temps d’en sortir définitivement.
L’atmosphère ténébreuse présent dans Jackie s’apparente ici à un véritable film de genre. Utilisant des effets de styles troublants (notamment via un symbolisme fantomatique), Spencer est un véritable survival. Filmant au plus près la souffrance de la princesse, sous les traits de la toujours remarquable Kristen Stewart, Larrain opte pour une approche sensorielle époustouflante. La musique de Jonny Greenwood, aux airs jazzy, accentue avec la photographie de Claire Mathon le spleen de plus en plus croissant de la princesse. Moins théorique que l’était Jackie (où il était question de l’état psychologie d’une femme endeuillée mais également celui d’un pays), ce film agrippe le spectateur et ne le lâche plus une seule seconde. Les couloirs de ce palais où séjourne la famille Royale sont filmés comme ceux de l’Overlook Hotel, référence évidente pour ce récit imaginaire.
Récit haletant sur l’émancipation, Spencer est l’un des premiers temps forts cinématographiques de cette année. Une manière impressionnante d’utiliser les effets du cinéma de genre pour s’intéresser à l’une des figures phares de la fin du 20ème siècle.
Spencer. Réalisé par Pablo Larrain. Avec Kristen Stewart, Timothy Spall et Sally Hawkins. Durée : 1h57.