Dans une industrie fragilisée par la crise sanitaire, une fan base repose ses espoirs sur le retour d’un cinéaste considéré pour certain-e-s comme un messie : Zack Snyder. Une attente des fans de recevoir ce qu’ils attendent depuis 2017 : redorer le blason de la Justice League au cinéma. Après des années de hashtags incessants, la version de 4h du Justice League telle que l’a voulu Snyder, souhaitant faire honneur aux héros mythologiques, aux fans et à lui-même, est enfin arrivée. Contrat rempli ? Réponse dans cette critique !
(On pense que vous avez tous vu Batman v. Superman si l’avis sur Justice League vous intéresse mais on préfère prévenir : ça spoile sur la fin du film)
Peut-on affirmer que Justice League est, dans sa note d’intention, un film purement méta ? Par sa gestion chaotique, dûe au départ in extremis de Zack Snyder suite à un drame personnel et son remplacement fatal par Joss Whedon, la première monture de la réunion all-star des super-héros DC a laissée ses aficionados dans l’incertitude. Le fait d’assister au résultat boiteux d’un projet attendu depuis des années (ne pas oublier que George Miller a rêvé de ce projet) a transformé les réseaux sociaux et conventions en désordre du côté des fans, qui attendaient désespérément que l’on rende honneur à leurs attentes. C’est, en quelque sorte, la même attitude qu’est montrée de la part de l’humanité dans la base de Justice League. Le départ sacrificiel d’un homme considéré comme un Dieu à la fin de Batman v. Superman (Superman, aka Clark Kent) a ébranlé la foi des êtres humains, alors résignés à vivre dans l’amertume, la grisaille, et dans l’attente d’une nouvelle divinité à suivre. Au cœur de ce récit, c’est de Superman dont il est question, mais le parallèle avec Zack Snyder est de circonstances.
En affirmant cela, il ne s’agit pas d’attaquer Snyder en le considérant comme un réalisateur prétentieux, imbu de son propre égo. Il est question, ici, d’humanisation. Superman et Zack Snyder sont les deux faces d’une même pièce, une pièce sur laquelle on repose nos espoirs pour sauver quelque chose d’ordre gigantesque. Pour Snyder, la mission est de sauver la Justice League. Et pour cela, il ne va pas y aller de main morte : durée gargantuesque de 4h, rendu final au format 4/3, money-shots à foison pour un travail qui fait mériter l’iconisation. De la même façon qu’est présenté le retour fracassant de Superman, Snyder signe un blockbuster atypique dans sa forme. Un film dont on sent l’intégrité artistique, quitte à en faire trop (quatre heures, vraiment ?) pour raconter une chose essentielle : qu’est-ce qu’un super-héros ? Le choix de rendre le film au format 4/3, qui a suscité la rage de certain-e-s spectateur-rice-s habitué-e-s au 16/9, n’a rien d’un gimmick. Il resserre notre regard sur ces héros tiraillés entre l’espoir de rendre le monde meilleur et leurs fêlures. Cependant, est-ce qu’une bonne note d’intention donne obligatoirement un bon film ?
À cette question cruellement rhétorique, il est regrettable de constater que toutes ces excellentes intentions sont au service d’un résultat profondément indigeste. Les prouesses scénaristiques et thérapeutiques de Snyder à mieux situer son histoire, alors charcutée par Joss Whedon et la Warner, n’empêchent pas d’être réfractaire à une forme visuelle qui paradoxalement écrase toutes les intentions voulues par le cinéaste. Comment, par exemple, croire à cette réflexion pertinente sur des divinités des temps modernes qui se confrontent à leur propre humanité si des effets numériques hideux remplissent le cadre à rabord ? Comment s’intéresser aux personnages si leurs développements personnels ne sont pas approfondis ? On fait amende honorable au personnage de Cyborg, incarné par Ray Fisher, qui a eu sa vengeance sur Joss Whedon et devient un véritable personnage à part entière. Il n’empêche que les paradoxes se font nombreux dans cette Snyder Cut, qui n’est pas aidée par un montage calamiteux qui donne l’impression d’enfiler les scènes coupées (comme en témoigne son interminable épilogue, grande réunion des bad-guys ratés du DC Universe)
Zack Snyder’s Justice League côtoie Avengers : Endgame en tant que blockbuster popcorn gargantuesque conscient de sa fin. Malgré une porte ouverte vers une suite (qui ne se fera sans doute pas), l’alliance des super-héros D.C est avant tout une manière de voir un espoir, un renouveau, qui ne manquera pas de se faire voir prochainement sur nos écrans. Un film-somme du super-héros, aussi bien intentionné que perfectible.
Zack Snyder’s Justice League. Réalisé par Zack Snyder. Avec Ben Affleck, Henry Cavill, Gal Gadot, Ray Fisher, Ezra Miller et Jason Momoa. Durée : 4h02.