Après le succès phénoménal de la première saison de Euphoria, diffusée l’été 2019 sur HBO aux États-Unis et OCS City en France, on a plus eu de nouvelles des sad teens glamorisés à coup de paillettes et de sons pops, imaginés par Sam Levinson. En attendant une deuxième saison, dont le tournage est prévu pour le mois de mars, l’équipe de la série a quand même tenu à tenir les fans en patience avec deux épisodes spéciaux diffusés au mois de décembre et janvier. Deux bulles, centrés sur les personnages de Rue et Jules, pétries de contradictions et qui confirment les limites du désespoir dont se complaît allégrement Levinson.
Deux épisodes, deux faces d’une même pièce. Cette pièce est le couple qui traverse les épisodes de Euphoria, celui de Rue, adolescente toxicomane en proie à une rechute et Jules, adolescente transgenre qui s’intègre à la nouvelle ville où elle a emménagée. La saison s’achevait sur un couple fracassé, en pleine distance avec deux fuites : l’une vers la drogue et l’une vers une fugue. C’est alors que l’on retrouve, en pleine période de fêtes, les deux personnages. Séparés par des lieux, des événements et des problèmes enfouis, elles vont se livrer à un jeu de confessions qui devrait amener à voir plus clair dans leurs avenirs.
Le premier épisode est, à ce sujet, plutôt surprenant. On avait quitté Rue au détour d’un final clipesque, symbolisant avec outrance sa rechute vers la drogue. Quoi de plus étonnant, surtout venant d’un réalisateur aussi écrasant que Levinson dans ses dispositifs, de retrouver l’héroïne au cœur d’un diner avec comme seule action : une conversation. Passant le réveillon de Noël avec son parrain, Ali (joué par Colman Domingo), elle fait le point sur sa santé mentale, sa perception de son futur et son état d’auto-dépréciation. Une suspension se crée alors. Euphoria abandonne le mouvement pour se poser et s’autoriser une introspection d’une heure. Zendaya et Domingo brillent et fusionnent leurs talents pour un moment terrassant, d’un mood doux-amer parfait pour ces fêtes de Noël peu orthodoxes. Quelques jours plus tard, un second épisode special est annoncé et sera consacré à Jules. Et cette bulle d’air relaxante promise par le premier épisode éclate brutalement…
Le dispositif paraît être le même. Deux personnes conversent dans un espace clos. Jules et sa psychologue, pour un premier rendez-vous dans un cabinet. On devine très facilement ce que sera l’épisode : la première étape d’un processus thérapeutique pour le personnage joué par Hunter Schaffer. L’occasion pour le personnage d’Hunter Schaffer de revenir sur les événements survenus durant la première saison de la série. Jules, pour beaucoup de fans de la série, est immédiatement comme une icône pour la communauté LGBT+. Surtout pour le fait d’être en personnage principale d’une série grand public destiné à un public de jeunes adultes. Qu’a-t-il donc pris à Sam Levinson de rendre si sentencieux ce personnage durant cet épisode ?
Écrasé par des effets stylistiques aussi lourdingues qu’un mauvais film étudiant voulant imiter Xavier Dolan ou Sam Levinson (effroyable séquence d’introduction, gros plan sur l’oeil de Jules qui ressasse ce qu’elle a vécu avec une musique tire-larmes de Lorde), Jules va vivre un chemin de croix durant tout l’épisode pour parvenir à cette thérapie. Et pour cela, Levinson n’a pas peur de se prendre pour un demi-dieu punisseur en tant que metteur-en-scène. Empruntant ni plus ni moins que la bande-originale signée Zbigniew Preisner de La Double Vie de Véronique, film déroutant de Krzysztof Kieslowski, pour tourmenter son héroïne à grands coups de requiem, Levinson semble tomber en panne. Comme perdu dans ses tenants scénaristiques et qui, pour passer le temps, torture son héroïne en exposant outrancièrement ses pires craintes. C’est bas. Parce que plutôt que de confronter sobrement les tourments de son héroïne, le réalisateur/scénariste préfère ne prendre aucun repos pour tomber un pathos trash vain et en surface. Il peut remercier le talent de sa comédienne pour nous faire tenir tout le long de ce ratage.
Malheureusement, cet épisode confirme ce que pense les détracteurs du style Levinson. Pour un réalisateur qui a, pour beaucoup, contribué à la visibilité d’individus considérés comme marginaux dans la société ; il est triste de le voir tomber dans de l’égotrip moralisateur. Peut-être qu’il se sera assagi dans le futur, ce n’est pas ce qu’affirment les critiques de Malcolm and Marie, son prochain film qui sortira la semaine prochaine sur Netflix. Nous verrons cela très prochainement…