C’est une première : le cinéma français vient de sortir sa première comédie « coronavirus ». Alors qu’Hollywood provoque des grincements de dents avec une pandémie vue par Michael Bay, la comédie franchouillarde fait tirer la moue avec une tentative d’allier concept moderne et vieux mécanismes d’écriture. Hélas, on préfère cliquer sur « déconnecter » devant…
En plein confinement, une bande d’amis se retrouve pour un apéro virtuel. La soirée se passe tranquillement, malgré des discussions prêtes à être sous tension (il est notamment question d’argent), jusqu’à ce qu’un individu masqué entre chez l’une des personnes connectées au chat et se mette à révéler les petits secrets qui se cachent dans le cercle de l’amitié. Classic shit 2.0 en gros.
Cette année, la fiction française a révélé plusieurs fois son envie d’explorer les rapports numériques entre les individus. Du côté de la série, c’est Stalk qui se rapproche le plus de Connectés en montrant Coin-Coin des Tuches (Théo Fernandez) hacker ses camarades de classe. Au cinéma, il y a deux films qui ont tenté cette approche du numérique : #JeSuisLa d’Éric Lartigau, puis Selfie et son titre à rallonge qui veut tout dire de la mentalité boomer qui se dégage des différents auteurs de ce film-à-sketch, à savoir de l’influence du numérique sur les honnêtes gens. Deux tentatives qui en concluent à des échecs concernant le regard d’auteurs dépassés par les réels atouts du numérique. Ignorant alors des enjeux tels que la politisation, l’association, l’apprentissage ; ces films ont alors accumulé des poncifs aussi grossiers tels que la détérioration d’un cercle familial au profit de vues sur YouTube, une déconnexion immédiate du monde réel et une ascension aveuglante vers le star-system. Des problématiques qui existent bien (en cela, il vaudrait mieux se tourner vers des films comme Ingrid goes West ou Eighth Grade) mais qui sont non traité en nuances mais comme des faits stricts et implacables racontés avec condescendance. La comédie française serait-elle allergique au numérique ? C’est alors qu’entre en jeu le film d’aujourd’hui. Connectés, projet réalisé avec une bande de comédiens sympathiques auprès du public français (François-Xavier Demaison, Claudia Tagbo, Mickaël Youn etc…), part d’un contexte que nous connaissons bien : la vie sous Covid-19.
Tournée comme avec le dispositif du ScreenLife (technologie développée par le cinéaste russe Timur Bekmambetov pour créer des oeuvres de fictions à partir d’écrans d’ordinateurs), le film tient à tout tenter pour s’amuser de choses que beaucoup connaissent durant le confinement: l’envie de faire du pain, binge-watcher une série, commander en ligne, faire son arrestation de sortie. Néanmoins, le film reste très superficiel dans ce qu’il fait de ce nouveau contexte si particulier. Il n’est ordre que de l’évocation. Pas dans le sens où le film instaure une banalisation de cette vie mais plutôt une succession d’allusions instantanément oubliés, comme surfant opportunément sur cette période. L’absence véritable de blagues confirme la paresse d’écriture du film. Une paresse transmise dans l’usage du dispositif en écrans partagées.
Car les mécanismes d’écritures du film, où les secrets des personnages se dévoilent petit à petit, nous ramènent à des succès populaires comme Le Prénom, alors issus du théâtre. Les personnages entrent et sortent de la conversation comme ils pouvaient sortir de la scène, les fenêtres des personnages apparaissent comme du banal champ/contre-champ numérique. Ça s’arrête là pour rechercher plus de mise-en-scène, le suspens alors au point mort. Les frissons de Unfriended, l’enquête sur ordinateur de Searching prouvaient que le format Screenlife permettaient de créer de la mise-en-scène à partir de nouveaux outils numériques. Connectés les transforment juste en un pièce de théâtre qui bug terriblement.
Déconnecté de la réalité, Connectés aurait pu offrir une autre couche de modernité à la comédie populaire française. Au lieu de ça, il donne envie de couper sa box internet pour vivre loin de cette conversation plate.
Connectés, réalisé par Romuald Boulanger avec François-Xavier Demaison, Mickaël Youn, Audrey Fleurot, Stéphane De Groodt, Claudia Tagbo, Nadia Fares. Durée : 1h25.