Des flics ripoux par-ci, des flics ripoux par-là, le tout pour combattre des méchants bien méchants ; classique d’Olivier Marchal pourrait-on dire. Atterri in extremis sur Netflix, Gaumont souhaitant éviter un potentiel flop en raison du contexte sanitaire (et un peu de la qualité du film, sans doute…), Bronx est à l’image de son réalisateur : complètement dépassé par son époque et refusant toute remise en question pour raconter une histoire des plus convenues.
Une tuerie dans un bar de la cité phocéenne provoque la panique au sein des forces de l’ordre. L’enquête se retrouve alors sous haute-tension lorsque les méthodes ambiguës de la brigade antigang vont se confronter à leurs sévères conséquences. Rien de nouveau sous le soleil de Marseille, on a déjà vu ce postulat maintes fois au cinéma. Tous les coups sont permis, y compris les crasses les plus violentes, peu importe si cela est légal du moment que l’enquête est résolue. Mais cela n’a pas d’importance pour Olivier Marchal, déterminé plus que jamais à se conforter dans des environnements qu’il a toujours connus (les forces de l’ordre et les gueules type Delon ou Ventura), sans jamais s’interroger sur leurs pertinences aujourd’hui.
En ce sens, il participe à cette tradition franchouillarde d’un cinéma de genre mainstream propulsé par un virilisme exacerbé ancré dans un premier degré dont on pouvait se passer. Il est question de couilles dans ce cinéma, d’hommes bagarreurs prêts à foncer tête baissée dans une escalade de violence. Inutile de demander ce qu’il en est des personnages féminins, ils ne peuvent exister dans le monde d’Olivier Marchal. Un monde dont la mentalité semble résolument datée, à l’image des récents propos du cinéaste à l’encontre de militant-e-s/artistes contre les violences policières. On pourrait presque pardonner cette persistance à vivre dans ce vieux monde si seulement un minimum de recul était pris. Mais ça n’est pas le cas. Contrairement à un cinéma américain en perpétuelle interrogation sur lui-même. Il suffit de voir un film aussi ambigu que passionnant qu’est Dragged Across Concrete de S.Craig Zahler, traînant deux figures républicaines (Vince Vaughn et Mel Gibson) à leurs ultimes retranchements, pour comprendre que quelque chose cloche dans la pensée d’un film comme Bronx.
À la différence d’un film français comme Les Misérables, imparfait aussi mais tout de même un film où l’excès de testostérone se retournait contre lui-même au cours de l’intrigue, Bronx tente vainement de conjuguer une intrigue purement ancrée dans les années 70 avec une réalisation moderne. Hélas, ce n’est pas une scène d’affrontements filmée en nuit américaine numérique qui saura nous convaincre tant la photographie paraît sombre et illisible.
“Sombre” est d’ailleurs le mot qui pourrait désigner l’ensemble du film. En plus d’être daté, le film accumule les poncifs du polar noir à la française. Une phrase ne peut être prononcée sans une insulte, chaque flic va inévitablement se confronter à un autre, chaque interrogatoire devra être musclé, et chaque scène apportera son lot de nihilisme outrancier. Tout cela culminant dans un final sanguinolent rythmé par une chanson d’Alain Bashung, qui étonne mais dont on ne parvient pas à comprendre la finalité. Alors en se complaisant dans le désespoir au point de mettre littéralement l’intrigue au point mort, Bronx s’inscrit définitivement comme une œuvre anecdotique.
Enfermé dans un premier degré solennel et vain, Bronx est une oeuvre qui n’a déjà plus rien à dire au bout de quelques minutes. Si vous voulez voir un polar mené par des personnages dont les codes moraux seront mis à rude épreuve, regardez Dragged Across Concrete, Criminal Squad ou l’intégralité de la filmographie de Michael Mann plutôt. Ou si vous voulez voir Kaaris dans un film d’action franchouillard , regardez Overdrive plutôt. C’est tout aussi mauvais que Bronx mais au moins, on s’y amuse.
Bronx, réalisé par Olivier Marchal. Durée : 1h56. Avec Lannick Gautry, Stanislas Merhar, Kaaris, Jean Reno, Catherine Marchal etc… Disponible sur Netflix