Le réalisateur de The Florida Project revient avec un nouveau portrait fascinant de l’Amérique. Simon Rex, star de la franchise Scary Movie, y fait un come-back légendaire dans le rôle d’une ancienne gloire du porno profondément toxique.
Mikey Saber revient dans sa ville natale du Texas après des années de carrière de pornstar à Los Angeles. Il n’y est pas vraiment le bienvenu… Sans argent, sans emploi, il doit retourner vivre chez son ex-femme et sa belle-mère… Pour payer son loyer, il reprend ses petites combines mais une rencontre va lui donner l’espoir d’un nouveau départ.
La dernière image de The Florida Project, le précédent film de Sean Baker sorti en 2017, a conclu la fuite permanente de deux enfants vers un semblant d’imaginaire en les réfugiant dans le Magic Kingdom de Disney World. Quatre ans plus tard, sur fond du mythique son des N’Sync, le cinéaste dit clairement Bye Bye à ce rêve éveillé et innocent. Nous ne sommes dorénavant plus face à des enfants s’échappant du réel en faisant les 400 coups mais devant Mikey Saber, ancienne star du porno qui compte tout faire pour redonner un peu de gloire à sa vie, dans un Texas préoccupé par les élections présidentielles de 2016 et l’ombre grandissante de Donald Trump.
Pour cette nouvelle part de son exploration d’une Amérique déclassée, Baker imagine un véritable anti-héros qui va symboliser en chair et en os la vampirisation toxique d’une mentalité renforcée par l’ère Trump. Mickey est un loser au comportement détestable. Il est égoïste et misogyne, considérant son entourage comme des objets pour uniquement parvenir à ses fins (face à sa femme, sa belle-mère mais également face à une jeune fille mineure qui va l’obséder). Baker va se montrer intraitable sur la toxicité du personnage, sans pour autant faire preuve de jugement (ce qui fait aussi la grande force des films du cinéaste). Cette star déchue, incarnée magistralement par Simon Rex, va refuser de voir les conséquences désastreuses de ses actes pour rester focaliser sur sa reprise en main très entrepreneuriale. Il apparaît alors comme un symbole d’une politique américaine violente, irréfléchie, que Baker nous présente en toile de fond et habitée par les personnages que nous rencontrons tout le long.
Après Mickey dans The Florida Project, c’est donc Mikey qui apparaît comme une figure superficielle dans l’Amérique de Baker. Avec son chef-opérateur Drew Daniels (que l’on connaît pour son travail avec Trey Edward Shults), il oppose la fausseté de ce personnage en l’ancrant dans un environnement profondément industriel où les usines et les magasins de donuts remplissent le paysage filmé en plan d’ensemble. Une rencontre qui va alors faire des étincelles et va alimenter la part de comédie qui règne dans ce film. La spirale infernale où Mikey s’enfonce donne lieu à de brillants moments de comédie pathétique, notamment à un climax mettant à nu son anti-héros.
Impertinent et magnifiquement filmé, Red Rocket confirme donc que Sean Baker est un explorateur important des États-Unis pour le cinéma.
Red Rocket, réalisé par Sean Baker. Avec Simon Rex, Bree Elrod, Ethan Darbone, Suzanna Son, Judy Hill et Brenda Deiss. Durée : 2h08.