Lorsqu’un jeune homme souhaite éviter la destruction de sa cité, c’est un croisement fabuleux entre Alfonso Cuaron et le cinéma social français qui se dévoile à nous. Premier long-métrage de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh, Gagarine sidère par son ouverture poignante à l’imaginaire pour tous.
Dans son introduction, montée à partir d’images d’archives, le nom de Gagarine ramène à deux choses : le nom de Youri Gagarine, premier homme à être allé dans l’espace, et la cité située à Ivry-sur-Seine inaugurée par ce même astronaute en 1963. Une inauguration pleine d’espoir où ses habitants vivent harmonieusement. Cinquante ans plus tard, la décision de détruire la cité est prise. La lueur d’espoir, presque éteinte, pour sauver cet environnement est habitée par un autre Youri, habitant des lieux depuis toujours qui va alors entrer en lutte.
Dans un premier temps, le film ramène à tout un pan du cinéma social européen. Un cinéma de résistance, montrant des citoyens en lutte contre des pouvoirs injustes. Le cadre de Gagarine ramène à des succès français récents tels que Les Misérables ou Le Monde est à Toi. Mais plutôt que de s’attarder à tourner en boucle sur des images déjà montrées par le cinéma, Fanny Liatard et Jérémy Trouilh ont l’intelligence de proposer un regard neuf sur le sujet. Une vision qui s’observe par la bienveillance générale de l’œuvre. Sans tomber dans la mièvrerie, le film réconforte par l’union générale d’individus, de communautés, pour échanger et avoir un même but en commun : sauver leur cité. On y rencontre des personnages saisissants par leurs histoires et souvenirs laissés, nous faisant repenser avec attache à Lyna Khoudri, Farida Rahouadj ou encore Denis Lavant à la fin de la séance. Dans la tonalité chaleureuse du début, le film ramène à la lutte résistante imaginée en Islande par Benedikt Erlingsson dans Woman At War. Puis, le long-métrage nous envoie en orbite par une poésie spatiale saisissante.
Car Gagarine part avant tout de rêves démesurés où l’espace y a un rôle majeur. Il y a ceux de Youri, sauver sa Cité et devenir astronaute, qui vont se croiser. Il y a aussi celui de Diana (Lyna Khoudri) qui rêve de partir vivre aux États-Unis. Et il y a celui du duo de cinéastes, à implanter des références populaires et ambitieuses pour une histoire qui a souvent été vue de la même manière dans le cinéma français. L’espace, qui ramène au genre de la science-fiction, tombe à point nommé. Les métaphores spatiales, influencées par le 2001 de Kubrick, Star Wars (plans saisissants où des immeubles HLM sont imaginées tels un Faucon Millenium) et Cuaron (évidemment Gravity mais Roma et Les Fils de l’homme ne sont pas oubliés), ne sont pas là pour de l’esbrouffe. Non seulement elles servent de symboles illustrant une jeunesse qui souhaite décoller, mais traduisent avec émotion la psyché d’un personnage principal bouleversant incarné par Alséni Bathily. Elles servent aussi à montrer que de nouvelles visions sur des sujets de société sont toujours en train de se développer au cinéma, pour nous interpeller avec grandeur et fantastique.
Gagarine sidère par sa capacité à mêler onirisme et histoire de l’urbanité en un récit terriblement attachant. Un film qui mène le cinéma social vers l’infini et l’au-delà.
Gagarine. Réalisé par Fanny Liatard et Jérémy Trouilh. Avec Alséni Bathily, Lyna Khoudri, Farida Rahouadj et Denis Lavant. Durée : 1h38.