Le papa perdu par les nouvelles technologies qui invite ses enfants à prendre le grand air, on l’a déjà vu. L’enfant qui s’apprête à quitter son nid familial pour s’envoler vers sa passion, on l’a déjà vu aussi. Et on connaît par cœur les dystopies où les robots dominent l’humanité. Par contre, est-ce que l’on a déjà vu ces trois choses réunies dans un même film ? D’animation, qui plus est. Il en est peu probable. C’est ce que propose Les Mitchells contre les Machines, un film animé énergique produit par le duo Phil Lord/Chris Miller à qui l’on doit les films Jump Street et Lego Movie.
Il est si peu étonnant de retrouver Phil Lord et Chris Miller dans les rôles de producteur pour ce nouveau film produit par le département animé de Sony Pictures. Les Mitchells contre les Machines prolonge les formes esthétiques et thèmes d’écriture qui leur tiennent à cœur. Il suffit de voir l’introduction du film où le personnage de Katie, encore enfant, présente à ses camarades de classe l’un des films qu’elle a réalisé. Victime de brimades cruelles, elle persévéra et continua de réaliser ses propres productions sur Youtube (avec références à Sciamma, Fassbinder et Ashby si on a l’œil observateur…) avant de s’apprêter à partir vers une école de cinéma à Los Angeles. Cette introduction de Katie Mitchell ramène à celui de Flint Lockwood, autre créateur marginal qui avait créé une machine mêlant météorologie et nourriture dans Tempête de boulettes géantes. Le premier film du duo qui a sûrement dû servir de base pour les scénaristes et réalisateurs Michael Rianda et Jeff Rowe tant il en reprend les thèmes : la persévérance créatrice, un attrait pour les situations catastrophes en animation et un noeud dramatique autour d’une relation père/fille en difficulté. Cependant, les deux auteurs n’ont pas effectué une option copié/collé pour autant. Les Mitchell contre les machines sidère par son inventivité visuelle.
Il est important de préciser le terme “visuelle” car les péripéties ramènent à d’autres fictions animées sur le même thème. Ainsi, cette révolte d’androïdes peut nous faire penser en souriant à une série comme Futurama dont un épisode partait sur le même principe. Et peut même soupirer en prenant des blagues éculées sur les nouvelles technologies où l’on pourrait presque dire Ok Boomer. Mais ce n’est pas ce qui compte pour les aventures de la famille Mitchell ; pour nous scotcher dès les premières secondes, le film dévoile immédiatement une plasticité animée dynamique à couper le souffle. Agrémentant chaque plan de mélanges esthétiques sidérantes, où références et émotions cohabitent harmonieusement dans une explosion chaotique des dessins, Les Mitchells contre les machines est un régal pour les yeux et les oreilles, grâce à la musique de l’inégalable Mark Mothersbaugh ainsi que d’un casting vocal parfait où se rencontrent Abbi Jacobson, Danny McBride, Maya Rudolph, Eric André et Olivia Colman. La forme réussit alors donc à nous surprendre malgré une construction scénaristique plus conventionnelle.
Toutefois, malgré un récit alors des plus classique où l’on devine les aboutissements, Rianda et Rowe prennent très à coeur ce qu’ils veulent raconter et parviennent à toucher juste dans nos émotions. La confrontation d’une père craintif par les chemins artistiques que prend sa fille, elle qui est alors peinée par cette peur paternelle et semble vouloir quitter le nid coûte que coûte, apporte au film une dimension émotionnelle qui bouleverse tout simplement par sa simplicité à paraître si identifiable et nuancée. Ainsi, les points de vues de Katie et Rick évoluer au fil de films, étant aussi enfermées dans leurs certitudes (avec conséquence) mais également ouverts à de nouveaux idéaux.
Émotions et inventivités se combinent pour faire des Mitchell contre les machines un road-movie explosif. Après Into the Spider-Verse et les Hôtel Transylvania, Sony Pictures Animation prouvent qu’ils ont encore de nouvelles choses à nous proposer pour nous mettre plein la vue. Privée d’une sortie en salles, il serait dommage de ne pas laisser une chance à cette famille excentrique et pourtant si amusante.
Les Mitchell contre les machines. Réalisé par Michael Rianda et Jeff Rowe. Avec Abbi Jacobson, Danny McBride, Maya Rudolph, Eric André et Olivia Colman. Durée : 1h56