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ADN : en quête de soi

Cela faisait cinq ans qu’on n’avait pas pris des nouvelles de Maïwenn. Après avoir sorti la masculinité toxique de son trône dans Mon Roi, faisant gagner au passage un prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes, la cinéaste s’attaque à un autre projet intime : ADN, une quête d’identité dans une famille dysfonctionnelle en deuil. Hélas, à force de crier dans tous les sens et de se complaire de façon douteuse dans la tragédie, l’émotion se laisse très vite écraser par l’égocentrisme.

La famille de Neige (Maïwenn) est en plein choc. Subitement, le grand-père de la famille décède dans sa maison de retraite. Alors que le deuil commence à s’installer et à provoquer des tensions dans une cellule familiale déjà en crise, c’est dans une véritable quête d’identité et de racine que va se lancer Neige.

Il faut voir ce cinquième long-métrage comme une nouvelle variation de ce qu’a toujours réalisé Maïwenn, à savoir traîner librement son regard dans des cercles privés, criards, sans comprendre les réels enjeux de ce milieu. Ne retenant que les effets que ces mondes procurent, que ce soit à la Brigade des Mineurs ou dans le quotidien des actrices du cinéma français, seul semble compter ses propres réactions face à ces sujets. Un regard qui se balade entre des discussions (souvent houleuses) entre collègues ou bien membres d’une même famille, sans jamais tenir réellement compte des nombreux sujets imposés en vrac au cours des scènes. Si la cinéaste excelle dans l’art de nous troubler et fait d’elle une patte essentielle dans le drame français par cet effet de choc, il ne faut pas oublier le brio de Mon Roi pour raconter avec férocité le drame de non pas un groupe mais d’un couple de nature toxique, elle peut pourtant nous perdre à force d’impliquer sans recul sa vision des choses.

Parce qu’encore une fois, Maïwenn y va avec les gros sabots pour raconter cette histoire d’identité culturelle recherchée. Présente devant et derrière la caméra, elle ressort les habitudes de son cinéma pour l’impliquer à son sujet. Les scènes de groupes (ici, pour représenter une famille en proie à des dysfonctionnements) se succèdent avec son lot de disputes. Ceci pour des thématiques sensibles liées au sujet du deuil, le point culminant étant une discussion par rapport à l’endroit où la cérémonie funéraire doit avoir lieu. Hélas, ces séquences apparaissent comme isolées du reste de la narration. Finalement, peu importe l’intensité des séquences, elles finissent par se vider de leurs substances à force d’apparaître de manière systématique. Une séquence dramatique finit par être transformé en punchline par Louis Garrel (hilarant au passage, mais qui rappelle trop son personnage joué dans Mon Roi), une vanne finit par provoquer une dispute et vice-versa. Pire, ces disputes incessantes peuvent aussi bien frôler le ridicule (imaginez voir Fanny Ardent bousculer Maïwenn, alors en plein oraison funèbre, comme dans un ring de catch) ; voire l’abjection quand le film fait preuve d’un mépris social impossible à soutenir. 

Car il ne faut pas l’oublier. Voir un film de Maïwenn est être prêt à voir une éloge de la bourgeoisie. D’habitude, on peut facilement passer outre cet aspect. Après tout, c’est bien un fan absolu de Sofia Coppola qui parle là. Néanmoins, à la différence de Maïwenn, une cinéaste aussi aisée que Coppola ne va jamais faire preuve d’une condescendance crade. ADN accumule les haussements de sourcil tant certaines séquences paraissent ubuesques à voir. Cela commençant par des réprimandes à des infirmières faisant simplement leur pause clope, pour finir ensuite vers une confrontation superficielle entre une fille et son père, où chacun va reprocher la classe sociale de l’autre (la bourgeoisie de Maïwenn finissant par “gagner” à l’écran ; celle-ci insultant son père de “pauvre débile” pour finir par l’achever ensuite plus tard dans le film). Le film va encore plus loin lorsqu’il atteint son point le plus sensible : la plongée vers l’identité algérienne. Encore une fois, son regard fortement exposé devant la caméra devient embarrassant face à ces questions, finissant par les éclipser pour ressembler au final à une imagerie publicitaire qui n’a pas lieu d’être. Voir ces questions personnelles traitées avec autant de grossièreté, plusieurs mois après avoir découvert ce même parcours personnel en plus doux dans L’Adieu (The Farewell) de Lulu Wang, ça fait mal. Très mal.

Il n’y a pas de doute que Maïwenn est très sincèrement touchée par les sujets qu’elle aborde à l’écran. Les exposer à l’écran ont permis d’éclairer les spectateurs sur des milieux qu’ils n’ont pas l’habitude de voir à l’écran (l’exemple le plus pertinent étant la Brigade des Mineurs dans Polisse). Mais malheureusement, ADN marque définitivement la limite de la réalisatrice entre son regard et ce qu’elle a devant les yeux. Centrée uniquement sur elle-même, le manque de recul finit par perdre définitivement toute pertinence aux sujets auxquels elle s’intéresse. Le brio de Mon Roi en est la preuve : pour mieux cerner un sujet, il faut parfois prendre du recul et s’effacer.

Author

Victor Van De Kadsye

Victor Van De Kadsye

Créateur du site. Je ne vis que pour des artistes comme Michael Mann, Clint Eastwood, Hou Hsiao-hsien ou bien Kelly Reichardt. Capable de réciter n'importe quel réplique de l'âge d'or des "Simpson".

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