Sébastien Lifshitz semblait n’avoir qu’un seul objectif pour 2020 : être un phare d’humanité qui éclaire une année si brumeuse. Après avoir raconté il y a quelques mois la société française du point de vue de deux amies dans Adolescentes, le documentariste continue son exploration d’un monde en perpétuelle évolution et s’intéresse à la vie d’une jeune fille transgenre dans Petite Fille. Préparez-vous : voir autant de bienveillance dans un film cette année, ça fait quelque chose…
S’il fallait trouver un mot pour définir la force de Petite Fille, celui qui vient immédiatement en tête est combat. Une confrontation est en jeu : la vie de Sacha, petite fille bloquée dans un corps perçu comme masculin, face au regard souvent effrayé, violent, des premières institutions qu’elle rencontre (à comprendre, le cadre scolaire). À cela s’ajoute la lutte d’une mère déterminée à ce que sa fille soit bien reconnue comme telle dans son établissement scolaire; ce qui permettrait une meilleure acceptation de la part des camarades et enseignant-e-s de Sacha. Ces moments de Petite Fille apportent une tension palpable, un signe que tout le monde, que ce soit les enfants ou les adultes, n’est pas ouvert à comprendre ce qu’ils et elles ne connaissent pas. Ils apportent même une certaine consternation lorsque, hors-champ, puisque nous ne verrons quasiment qu’une façade de l’établissement, la direction scolaire se rend absente d’une réunion pour discuter de la situation de Sacha. Néanmoins, par sa connotation forcément violente, le combat n’est pas forcément le terme le plus adéquat à la si belle douceur de ce documentaire. Une douceur issue de la conséquence, sans doute, de ce conflit : l’évolution.
L’évolution est le cœur même de Petite Fille. Dans sa linéarité, le film suit l’évolution de Sacha. On suit sa vie de famille, où elle s’amuse avec ses frères et sœurs, entrecoupée de séances avec une pédopsychiatre, de cours de danse et de passages à l’école. Autour de ce quotidien, les regards évoluent aussi. Et c’est cela que Lifshitz souhaite montrer. À notre époque, l’on doit faire évoluer nos mentalités et ne plus céder à la phobie et la haine. Pour montrer qu’une telle chose peut être si facile, prenez exemple dans la formidable famille de Sacha. Honnêtes, n’hésitant pas à reconnaître leurs craintes, leur amour indéfectible pour leur fille provoque certains des plus beaux moments de cinéma que vous verrez cette année. En même temps, Lifshitz montre que tout cela est un cheminement non sans encombres et prend son temps à dévoiler certaines choses comme des termes médicaux, et à les expliquer avec simplicité pour expliquer frontalement aux spectateur-rice-s les étapes qui peuvent être nécessaires pour certain-e-s. Une éducation importante pour mieux évoluer et comprendre, tout simplement.
Comme pour la vie des adolescentes de son précédent long-métrage du même nom, la vie défile avec son lot de complexités mais surtout ses moments lumineux. En prenant le choix de montrer ces images, le réalisateur incite à un monde meilleur. Et même si cela n’est pas une chose aussi simple que l’on espère (un comportement odieux survenu lors d’un cours de danse, vers la fin du film, peut pousser à le penser), le fait qu’il y ait déjà cette bienveillance auprès de plusieurs personnes et que des artistes le montrent est une invitation à l’inclusivité, et à l’éducation, si forte que l’on ne peut qu’applaudir.
Indéniablement un film de société, Petite Fille sidère par sa volonté persistante à éduquer par les images, se privant de toutes complications pour aller à l’essentiel et privilégier les émotions. Petite Fille mais aussi grand film !