Ce soir s’achèvera sur France 2 la quatrième (et dernière) saison de Dix Pour Cent. Produite de manière mouvementée (impliquant notamment le départ de Fanny Herrero), cette nouvelle salve d’épisodes sera celle des adieux pour la petite bande d’ASK. Un au revoir en demi-teinte.
(Pas de panique, pour conserver la surprise de ces derniers épisodes, aucun spoil du final ne se fera pour cet article)
Le Grand Bazar
Attendue depuis deux ans, tout porte à croire que la production fut aussi désordonnée que l’état auquel on avait laissé la bande que nous suivions depuis cinq ans. La quatrième saison commence donc avec plusieurs départs : les premiers, ceux auxquels nous avions assisté lors du final de la précédente saison, Matthias et Noémie qui s’échappent de ASK. Puis, dans les coulisses de la série, celui de la créatrice Fanny Herrero, suite au refus du statut de showrunneuse par Dominique Besnehard. De plus, il ne faut pas oublier que le monde bien réel du cinéma français est plongé dans une véritable crise morale ; propulsée à son paroxysme lors de la dernière cérémonie des Césars. Face à tout ce chaos, Dix Pour Cent (et surtout, Besnehard en réalité) va alors tenter, au départ, de faire bonne figure. Fausse bonne idée.
Impossible de s’enlever la douloureuse soirée des César, marquée notamment par le discours de Aïssa Maïga et le geste d’Adèle Haenel suite au prix décerné à Roman Polanski, quand la série inscrit le final de son premier épisode dans une réécriture de la cérémonie. Avec comme invités, Dominique Besnehard et le cinéaste Xavier Beauvois. Deux figures masculines pas réputés pour leur féminisme. Mais vous pouvez consulter le thread Twitter du compte Lesbien Raisonnable, qui résume mieux la situation.
À ces questions, à ces crises, Dix Pour Cent semble au départ annoncer qu’elle est complètement dépassée par les situations. Les intrigues se poursuivent mollement et les Talents guests apparaissent sans réelles convictions. Mention spécial à l’intrigue avec Franck Dubosc, qui frôle le OK Boomer dans sa manière de caricaturer les espoirs du jeune cinéma français (malgré une conclusion pleine d’espoir sur le dialogue entre générations). Mais cette lenteur presque désinvolte prend son sens : la fin de cette aventure se confirme. Petit à petit, les locaux de ASK se vident de leurs talents par manque de reconnaissance (illustrée par le caméo de Mimie Mathy, plus démoniaque que ange gardien) ; par concurrence et par déficit budgétaire. L’ensemble de cette nouvelle saison paraît assez pessimiste, au premier regard. Mais les différents parcours vécus par les membres de la bande vont prouver qu’un horizon inédit peut être possible…
Le Nouveau Monde
Trois personnages vont tirer leur épingle du jeu de cette crise : Sofia (Stéfie Celma) démarre sa jeune carrière de comédienne suite à sa révélation au public par son rôle dans le film de Julien Doré. Hervé (Nicolas Maury) voit son plan de carrière d’agent vrillé lorsque Valérie Donzelli lui propose de jouer dans son film, par un concours de circonstance. Et Noémie (Laure Calamy) s’affirme de plus en plus dans la boîte de production qu’elle mène avec Matthias.
Si les avenirs du reste de la troupe (on pense à Andréa, Gabriel et Hicham) semblent plus incertains, la série apporte son vent de fraîcheur par l’attachement envers ces personnages plus marginaux, décalés, qui auront su révéler leurs facettes tout au long de la série. Une situation qui dépasse le cadre du petit écran.
En effet, une chose qu’on ne peut enlever à Dix Pour Cent, c’est sa faculté à proposer un autre regard sur le cinéma français. Qui se retrouve parfois écrasé par ce vieux cinéma qu’on a mentionné tout à l’heure et que flatte encore Besnehard, mais qui a amplement acquis la notoriété du public. La preuve en est : Laure Calamy triomphe au box-office avec Antoinette dans les Cévennes et apparaît régulièrement dans ce qui sort du cinéma français ; Nicolas Maury vient de sortir son premier long-métrage intitulé Garçon Chiffon et on a pu voir Stefi Celma dans Miss et Balle Perdue cette année.
Ce nouveau regard prouve que l’esprit de Ask n’est pas révolue : les Talents sont créés, choyés et protégés par ce cercle amical que l’on a côtoyé pendant des années. Car au fond, c’est aussi pour cela que l’on a adoré suivre Dix Pour Cent durant toutes ces années. Plus fort que le milieu privilégié côtoyé, c’est un cercle d’amis irrésistibles que nous avions suivi.
La série tire sa force par les rapports humains bâtis entre les personnages. Rapports entre collègues, entre ami.e.s, entre conjoint.e.s. C’est d’ailleurs en cela que cette saison nous a paru en-deçà des précédentes, tant ces rapports apparaissent de manière plus superficielles et moins sincères. Notamment dans l’intrigue entre Andréa et Colette, ainsi que la quasi-absence injustifiée d’Hicham ; qui était l’un des moteurs dramatiques des dernières saisons. Heureusement, la série a eu comme un flash soudain et nous fait ressurgir cet esprit de complicité dans le dernier épisode ; fort en émotions, et qui laisse espérer un monde plus neuf pour le cinéma. Du moins, on l’espère.
Dix Pour Cent est au final un parfait au revoir : on se sent agacé au départ, attristé même, mais on oublie pas pourquoi nous sommes dans cet état et on parvient à faire nos adieux de manière digne.